Corps et sociétés

Les représentations de l’être humain se fondent sur des arguments culturels qui supportent des visions particulières du monde, de la vie et de la mort. Elles s’articulent en réseaux complexes de significations, de rites, de pratiques et de normes qui définissent les conditions d’appartenance à l’humanité, en partie déterminées par l’organisation sociale et la place qu’y occupe l’individu. Ces représentations sont intimement liées au corps, à la valeur qu’on lui donne et aux usages sociaux qu’on en fait. Dans ces conditions, le respect du corps est la condition essentielle de la survie physique et symbolique de l’être humain. D’ailleurs, l’histoire regorge d’exemples où la création de sous-catégories d’humains a justifié la réification, l’asservissement, la commercialisation et la destruction du corps de certains individus ou groupes sociaux par l’ethnocide, l’esclavage, le trafic d’organes, etc.


Dans cette perspective, les nouveaux paradigmes médicaux découlant de la nanomédecine, la reprogénétique, l’utilisation des cellules souches, la pharmacogénomique, etc., ainsi que des pratiques limitrophes entre la vie et la mort comme les greffes d’organes et l’euthanasie, nous incitent à développer des connaissances sur l’état des représentations de l’être humain, en cours et en émergence dans nos sociétés. Ces représentations, parce qu’elles ont le pouvoir de reconfigurer ce qui est, ou n’est pas, humain, peuvent promouvoir le développement d’avenues thérapeutiques inédites. 

D’un point de vue social, éthique et juridique, les possibilités de modifications fondamentales qui pourraient nous être offertes, nous obligent à mieux connaître l’impact de la science-fiction et des technosciences génétiques, cybernétiques, exobiologiques etc., sur les représentations émergentes de l’être humain et de son corps, autant chez les enfants que chez les adultes.

Projets de recherche :

  1. Les représentations socioculturelles de l’être humain et de son corps dans le contexte du Monde des corps 2, réflexions éthiques pour les sociétés contemporaines.
  2. L’être humain revu par les enfants à travers la science-fiction. Éclairage éthique pour les sociétés technoscientifiques

Les représentations socioculturelles de l’être humain et de son corps dans le contexte du Monde des corps 2, réflexions éthiques pour les sociétés contemporaines.

Résumé : Du tombeau de l’âme de Platon au cyborg et au transhumain d’aujourd’hui, les valeurs et les normes qui définissent l’être humain, la personne et son corps se fondent sur des arguments culturels proposant une vision particulière du monde, de la vie et de la mort. Ainsi, les diverses représentations du corps et de l’être humains ont joué un rôle central dans le développement, l’institutionnalisation et la perpétuation des systèmes de médecine en Occident. Dans cette optique, on peut se demander quels types de représentations favorise le développement, l’encadrement et l’institutionnalisation des médecines prédictive, régénératrice et transformatrice ? Les mentalités changent-elles? L’assimilation du corps à la machine permet-elle l’émergence de représentations d’un corps utilitaire asservi à l’individu? Qu’en est-il de la crainte d’assimiler l’être humain à un objet de consommation dans nos imaginaires collectifs?

En ce sens, le Monde des corps 2 offre une opportunité sans précédent d’explorer les représentations du corps et de l’être humain chez les personnes qui ont visité cette exposition à Montréal, comme chez celles qui ne l’auraient visitée sous aucun prétexte. Une meilleure connaissance des représentations socioculturelles de l’être humain et de son corps, en cours et en émergence dans les sociétés qui développent, évaluent, balisent et utilisent ces nouvelles approches médicales pourrait donner un nouvel éclairage à nos analyses sociales, éthiques et juridiques des paradigmes médicaux en train de se mettre en place.

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L’être humain revu par les enfants à travers la science-fiction. Éclairage éthique pour les sociétés technoscientifiques

À l’heure de la nanotechnologie, du clonage, de la génétique de la reproduction, de l’utilisation des cellules souches embryonnaires et de toutes biotechnologies médicales l’envie de statuer sur une définition de l’être humain se fait pressante. Toutefois, cette entreprise est peu envisageable, parce que les préceptes définissant la condition humaine, qu’ils soient scientifiques, biologiques, philosophiques, religieux ou autres, appartiennent à des catégories sémantiques différentes qui s’affrontent sur des modes d’opposition sujet/objet, émotion/absence d’émotion, matière animée/matière inanimée en associant divers éléments paradoxaux. À défaut d’être universelle, une définition viable et éthique de l’être humain ne se fera qu’au prix d’un consensus. Sa valeur démocratique repose toutefois sur une meilleure compréhension des représentations sociales et culturelles de l’être humain qui permettrait de voir comment les connaissances des technosciences génétiques, cybernétiques, physiques, exobiologiques etc., ainsi que les croyances et les savoirs transmis par les institutions socioculturelles se confrontent et se reconfigurent pour déterminer ce qui est humain ou non humain.

Dans le cadre de l’anthropologie médicale, sociale et culturelle, j’ai voulu connaître l’influence des sociétés occidentales technoscientifiques, médiatiques et marchandes, sur les représentations de l’être humain transmises à nos enfants, futurs consommateurs des biotechnologies médicales. Conséquemment, cette recherche s’intéresse aux les représentations de l’être humain d’enfants québécois de 6-7 et 11-12 ans qui ont décidé pour 11 personnages (clone, mutant, être extra-dimensionnel, cyborg, androïde, humain, extraterrestre, esprit humain dans un ordinateur, personnage virtuel, monstre, robot et esprit) s’ils étaient humains ou non et à expliquer pourquoi. Cette étude relevant de l’approche structurale probabiliste a permis : 1) d’identifier les catégories servant à définir ce qui est humain ou non pour les enfants, 2) de distinguer les champs sémantiques où ils se situent pour le faire et, 3) au moyen de la sémiographie, de connaître les dynamiques qui permettent d’adhérer aux anciens paradigmes définitionnels ou d’y échapper en initiant de nouvelles représentations de l’être humain.